Page:Gervaise de Latouche - Le Portier des Chartreux, 1889.djvu/98

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même divertissement que l’on me menait chez lui. Je n’osais pas tout à fait laisser voir mes craintes à Toinette. Si elle sent que j’ai peur, me disais-je, elle réveillera le chat qui dort, et ne manquera pas de saisir l’occasion. Mais pourquoi m’amène-t-elle ici ? je n’en sais rien ; faisons de nécessité vertu : entrons toujours.

J’entrai, et j’en fus quitte pour la peur ; car Toinette, en me présentant au saint homme, le pria de vouloir me garder pendant quelques jours chez lui. L’expression de quelques jours me rassura. Bon ! dis-je en moi-même, et quand ces quelques jours seront passés, le père Polycarpe m’emmènera avec lui. Plein de cet espoir, je me familiarisais plus aisément avec ma retraite, sur le motif de laquelle je n’osais réfléchir sans être saisi de douleur. Suzon, chère Suzon, je te perdrai donc pour toujours ? m’écriai-je dans un coin de la salle où je m’étais d’abord retiré par frayeur et où je restais par goût, parce que j’y rêvais à mon aise. À quoi ? À Suzon. L’agitation où j’étais depuis quelques heures ayant suspendu ce que je sentais pour elle, quand je fus revenu à moi-même, son idée m’occupa tout entier. Le cœur me saignait quand je pensais que j’allais la perdre. Mon imagination se repaissait de tous ses charmes, parcourait les beautés de son corps, ses cuisses, ses fesses, sa gorge, ses petits tétons blancs et durs, que j’avais baisés tant de fois. Je me rappelai le plaisir que j’avais eu avec elle,