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sot, la regrallière (buraliste) avait eu recours à lui pour régler un compte où personne n’avait rien compris jusque-là.

Vous voyez qu’on avait bien raison au Chaffard d’aimer Lallò et d’en être fier pour tout l’honneur qu’il promettait au pays.

Nous, les petits, nous l’aimions, et partant nous le tourmentions. Il était toujours de corvée : c’était lui qui allait nous chercher à la cîme des grands peupliers les nids de pie ou de corbeau que nous convoitions en vain ; c’était lui qui nous faisait nos arcs, nos fifres, nos lacets, nos fouets, nos frondes ; lui qui nous cueillait des cerises, lui qui nous abattait les premières noix et les premières pommes de la saison.

Aussi, comme nous l’avons tous pleuré ! Comme le village fut morne et triste pendant son agonie, et que de fois, durant ces terribles heures, nous avons joint nos petites mains pour demander à Dieu de nous le conserver ! Tout fut vain, il mourut ! et pendant un grand mois, nous allâmes tous les jours porter sur cette terre froide et dure qui le recouvrait, des fleurs et des fruits qui, dans notre croyance enfantine, devaient lui faire compagnie.


II.

Lallò était l’ainé d’une famille nombreuse. Son père, Pierre Descolaz, tenait depuis vingt-deux ans la ferme de M. le juge-mage Paturel qui était un