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indiscrète pouvait lui faire ; elle se bornait à l’écouter et à risquer, de temps à autre, un mot de résignation pieuse ou d’amicale commisération.

La vieille gouvernante, aussi reconnaissante des bontés de grand’mère pour sa maîtresse que si le bienfait se faut adressé à elle même lui témoignait une gratitude touchante. Mais, soit retenue, soit que ses souvenirs fussent trop douloureux à évoquer, elle ne parlait que rarement du passé, ce qui fait que l’on restait dans l’ignorance sur les causes de la folie de la vieille dame.

Je ne me souviens plus bien si c’est deux ou trois ans que dura cet état de choses. L’enfance ne compte point les jours de calme ; seuls les événements extraordinaires, heureux ou néfastes, marquent dans sa vie. C’est pourquoi, pendant une assez longue période de temps, je ne retrouve dans ma mémoire aucun fait saillant ayant rapport à Nancy et à sa grand’mère.

Je saute donc par-dessus les années relativement paisibles qui suivirent les événements que je viens de raconter, pour en arriver de suite au dénouement de la lugubre existence de notre voisine, Depuis quelques mois ; sa santé faiblissait à vue d’œil. L’état d’exaspération nerveuse dans lequel elle vivait fit, tout d’un coup, place à une prostration morale et physique qui, dans certaines affections mentales, est l’indice d’une fin prochaine. Il y avait des jours ou elle ne prenait aucune nour-