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souffle. Régine ne bougeait toujours pas. Je n’en pouvais plus !

Voilà que sans savoir pourquoi, peut-être parce que la petite avait remué, la jeune dame fit comme un saut sur elle-même en criant et ouvrant les bras tout grands… Le Monsieur se lança contre elle, moi j’étendis les deux mains, mais… je ne retins qu’à moitié Nancy : les deux corps du père et de la fille basculèrent par-dessus la bordure de fer-blanc et tout de suite je les entendis tomber ensemble dans le jardin sur les cailloux de l’allée !

En achevant ces mots, Marguerite, blême et épuisée, s’arrêta comme à bout de forces. Madame Panissot pleurait à chaudes larmes, mêlant à ses demi-sanglots quelques interjections incompréhensibles. Bonne-maman, très émue aussi, adressait à la vieille servante des paroles d’encouragement et de sympathie :

— Pauvre Marguerite, disait-elle, il eût mieux valu vous épargner la douleur de faire ce récit…

— Non, non, Madame, répondit celle-ci, croyez-moi, j’ai bien de peine à me rappeler tous ces malheurs ; tout de même, de les dire ça soulage un peu… toujours penser seule, toujours pleurer seule, ça vous tue !

Remise de son émotion, Madame Panissot voulut mettre à profit le besoin d’expansion que témoignait la gouvernante : elle fit questions sur questions pour connaitre la fin de cette terrible catas-