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leurs flots de mousse blanche à travers les buissons de houx et de genêts sauvages.

On parlait de Marie Friquette (la coquette) depuis Saint-Maurice et Détrier jusqu’à Villard-d’Héry. Il n’y avait pas une foire ; une vogue, un banquet (repas de baptême), une noce, n’importe quel fricotin, miston ou répétailles[1] qui pût se passer d’avoir pour première invitée la fille de Jean Vignolet le charbonnier. On ne l’aimait pas, je l’ai dit, même on en disait le plus de mal possible lorsqu’elle n’était pas là ; mais elle était si gaie, si bien allanguée, elle savait tant de chansons, reclans, complaintes et fredons, que lorsqu’on voulait rire un brin, on pensait tout de suite à elle.

La Vignolette, sans être riche pour le moment, passait pour être un bon parti son père, outre son métier qui rapportait parfois de beaux écus dans la saison des coupes des bois, avait encore autant de prés, de champs et de broussailles qu’il en faut pour nourrir deux mulets, une vache et quantité d’autres bestioleries que l’on élève d’ordinaire dans les fermes ; aussi Marie ne chômait pas de galants, quelle que fût sa réputation de fierté, de coquetterie, et son peu d’aptitude à la besogne journalière de la maison.

C’eût été une plaisante vie que celle de la jeune fille,

  1. Répétailles : repas qui se fait dans la maison de la mariée le dirnanche qui suit le jour des noces. On le nomme dans quelques localités le dimanche de l’épogne (du gâteau) pour désigner le plat d’honneur du festin.