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feu qui roule là-bas, c’est quelque sorcier qui me cherche ou le diable qui vient me prendre… Pauvre moi, je suis perdu !…

Et comme s’il s’attendait d’un moment à l’autre à être emporté par des mains invisibles, maître Jean se pelotonna sur lui-même, tâchant de couvrir sa tête de ses deux bras ; puis, tout fiévreux, il écouta.

Quelqu’un marchait dans le chemin. Les pas encore éloignés étaient lents et indécis. Des cailloux, heurtés sans doute par la chaussure de l’arrivant, roulaient avec un bruit sec comme la détente d’une arme à feu.

Le cœur du notaire ne battait plus. — Tsss ! tsss ! tsss ! articula à vingt pas de lui une voix qui le glaça complètement.

— Tsss ! bêêê !…

— Bêêê !… répéta un écho lointain. Aussitôt, du fond de la prairie, arriva par bonds pressés un être qui sembla s’arrêter net à deux pas de l’endroit où se tenait blotti maître Jean, lequel étouffa un râle d’épouvante : il venait de sentir un souffle chaud lui passer sur le cou.

Dans la direction opposée, les pas s’étaient de plus en plus rapprochés.

— Monsieur Jean Thibaut, appela distinctement la voix qui semblait s’être fait entendre la première, monsieur Jean Thibaut !

Miséricorde ! Qui donc le connaissait si bien ? qui donc le savait là ?… Toujours plus, ce devait être le diable !… Aussi, malgré le ton rassurant de l’inter-