Page:Gex - Vieilles gens et vieilles choses (1885).pdf/247

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 240 —

taient dispersés après un grand malheur, et rien de plus. Et comme pendant les douze mois de l’année on entendait les quatre vents se battre dans cette masure de mauvaise mine, que l’eau du nant voisin mêlait son éternel grondement aux bruits étranges qu’ils y faisaient, comme les rares passants attardés le soir sur cette route déserte voyaient par les trous et les lézardes la clarté de la lune se refléter en taches blafardes sur les pierres noircies, chacun frissonnait à l’idée de se trouver seul la nuit auprès de la ferme pleurante des Alisses.

Maître Jean Thibaut n’avait garde d’échapper à cette émotion, lui qui connaissait à fond toutes les histoires vraies ou fantaisistes de son canton ; aussi fut-ce avec une répugnance très visible qu’il consentit à suivre la mendiante vers un des angles les moins délabrés de l’habitation. Il était à bout de forces, du reste, et sentait trop le besoin impérieux de se reposer pour ne pas passer par-dessus les craintes secrètes qu’il éprouvait.

Une porte basse et large se trouvait devant eux ; la vieille la poussa, elle n’était pas même fermée au loquet. La flamme joyeuse d’un feu bien entretenu vint frapper le regard du notaire, l’empêchant de distinguer de prime abord les objets qui l’entouraient.

— Tiens ! il fait bon entrer chez vous, fit-il, en sentant la chaleur du brasier arriver jusqu’à lui.

Et, faisant un ou deux pas de plus, il chercha un siège pour s’y asseoir. Tout d’un coup il recula…