Page:Gex - Vieilles gens et vieilles choses (1885).pdf/249

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 242 —

— Est-ce votre fille, celle-là ? demanda enfin un peu brusquement maître Jean, las d’attendre les explications que la vieille ne se hâtait pas de lui donner.

— Non, monsieur, non ; c’est une pauvre orpheline du pays d’en haut qui reste avec moi en, attendant de trouver quelque place de servante.

Le tabellion se retourna vivement pour mieux voir celle dont il était question.

— Elle, une servante ? murmura-t-il, et, sans le vouloir, il frissonna.

— J’ai besoin de gagner, monsieur le notaire, dit d’une voix faible l’étrange créature. J’ai besoin… répéta-t-elle.

Ces mots accentués d’un ton douloureux, presque suppliant, frappèrent le cœur endurci du notaire ; pourtant, il resta muet, la paysanne lui faisait peur.

— J’ai bien soif, articula-t-il au bout de quelques moments d’attente. Pouvez-vous me donner quelque chose à boire ?

— Un peu d’eau dégourdie, avec une croûte de pain brûlé, monsieur, s’empressa de répondre la Jeanne, je n’ai rien autre….

Pendant que le pain rôtissait sur les braises, la mendiante tira d’un trou de la muraille une espèce d’écuelle ébréchée, l’emplit d’eau, y jeta le croûton grillé et présenta le tout au tabellion, lequel, en faisant une grimace de dégoût, avala cependant le liquide jusqu’à la dernière goutte.

— Ah ! mon lit me fait bien faute ! soupira-t-il