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l’heure fixée pour le rendez-vous. La journée avait été excessivement pénible. Depuis le moment où sa domestique lui avait laissé entrevoir la possibilité de quitter son service, le pauvre homme n’avait plus eu un moment de tranquillité. Cette perspective ne lui était pas venue en idée plus tôt, et il se demandait sérieusement s’il lui serait possible de vivre sans cette créature qui lui était devenue si nécessaire sous tous les rapports. C’est que, outre la passion qu’il avait conçue pour elle, il reconnaissait que son ménage n’avait jamais été aussi bien tenu, et puis, il lui avait découvert une qualité inappréciable : elle ne mangeait pas ou presque rien. On conçoit donc combien ce cuistre, qui savait mener plusieurs vices de front, avait intérêt à conserver cette domestique. Aussi, il était arrivé à la nuit bourrelé entre le bonheur de voir s’approcher le moment où il espérait satisfaire ses désirs et la crainte d’être abandonné.

Plusieurs fois dans l’après-midi, il avait été sur le point de s’adresser directement à la jeune fille pour se faire rassurer sur ce doute qui l’accablait, mais toujours il avait été retenu par une crainte inexplicable, et aussi par cette fatuité inhérente à tous les hommes de croire que, dans l’intimité de l’entrevue qui lui avait été promise, il saurait faire valoir des raisons plus convaincantes pour la décider à rester auprès de lui. Il était donc bien décidé à employer tous les moyens de séduction qui étaient en son pouvoir, et, à cet effet, il avait aussi bourré