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on se battait, on allait se battre… c’était là le résumé de la vie de l’époque.

Pauvres lettres ! que de temps on mettait à les lire, à deviner ces noms de pays ou de villes que jamais on n’avait entendus !… Les voisins, avertis, arrivaient les uns après les autres, et à chaque nouvelle entrée, on recommençait la lecture.

Claude, lui, était le seul du village qui fût canonnier de la Garde ; aussi jamais personne ne donna de ses nouvelles, jamais il n’écrivit, c’était comme s’il eût été mort.

Enfin, quand toutes les guerres furent terminées, que les Anglais eurent emmené une bonne fois pour toutes de l’autre côté de la mer l’empereur de France, ce qui restait de soldats en vie revint au pays.

Il y eut alors dans toutes les maisons une grande fête ou un grand deuil. Les mères, les sœurs, les fiancées s’attardaient, soir et matin, au détour de chaque sentier, au sommet de chaque côte déboisée, et regardant loin, bien loin devant elles si quelqu’un des leurs ne cheminait point dans les replis sinueux de la route ou dans les chemins caillouteux du village.

Les premiers venus parlaient des autres : un tel était mort à Moscou, l’autre en Espagne ; celui-ci était passé caporal ou sergent, celui-là n’avait plus donné de ses nouvelles… Et les parents pleuraient le mort ou continuaient à espérer le retour de l’absent.

Claude Porraz revint des derniers. Fait prison-