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sans que quelqu’un restât près de mon lit. Voilà pour ce qui me concerne.

Maintenant, si vous tenez à savoir ce que sont devenus les personnages de cette histoire, je puis vous le dire en peu de mots.

Tous les vieux sont morts ; un à un, ils sont allés se ranger sous les croix noires du petit cimetière où dort aussi, depuis bien des années, la chère et sainte femme qui fut ma grand’mère.

Le prêtre qui avait assisté aux derniers moments du jeune homme existe encore, je crois. Il y a quelques mois, je le vis passer sous mes fenêtres, blanchi et courbé par l’àge, mais toujours doux et triste, comme je l’avais connu dans mon enfance

La ferme de M. Paturel est tenue par Étienne Descolaz, le cadet de toute la famille. Daudon est mort à l’attaque de la tour de Solférino, en 1859 ; Fanny est mariée à B***, près Chambéry ; elle a de beaux enfants dont l’un, m’a-t-on dit, ressemble à son oncle Lallò.

Et Marianne ?…… Ah ! Marianne, c’est le côté sombre et poignant de ce souvenir que j’ai évoqué pour vous. Bien peu de personnes dans la commune, où elle est née, et où elle vit encore, savent ce qu’a été cette grande vieille fille maigre, pâle et triste, qui chaque matin et chaque soir de l’été, passe en rasant les haies du village, menant paître ses deux vaches dans les marais communaux. Les enfants ne l’aiment pas, ils en ont peur.

Jamais elle ne rit, jamais elle ne s’arrête en che-