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comprenant point quel bénéfice ces zingari pouvaient retirer de notre enlèvement. C’est pourquoi nous promimes à notre amie tout ce qu’elle voulut, et, la laissant retourner seule vers la bande occupée des apprêts du départ, nous coupâmes à travers champs pour rejoindre plus vite la route qu’on apercevait dans le lointain.

Il faisait un temps superbe : le soleil encore haut sur l’horizon mettait sa joyeuse lumière sur tout ce qui nous entourait. C’était le moment du fanage des regains, et les vendanges étaient proches. Partout, dans les grands prés, le long des sentiers que nous parcourions, on voyait des troupes nombreuses de travailleurs. Ici des faucheurs couchant les andains d’herbes fleuries, là des bandes de filles et de garçons occupés à mettre en meule le fourrage déjà sec. Leurs rires et leurs chansons faisaient dans l’air un bruit plein de gaieté et d’entrain. Çà et là les troupeaux de vaches et de brebis, prenant possession des vergers nouvellement fauchés, paissaient tranquilles sous la garde inattentive de quelques petits bergers joufflus et frisés.

Ces gens, nous les connaissions tous. Ils nous voyaient journellement arpenter dans tous les sens bois, champs et broussailles pour revenir le soir, les bras chargés d’un butin quelconque enlevé aux haies fleuries, aux ceps allourdis par le poids des grappes mûres ou aux branches des pommiers, dont les fruits entraînaient les rameaux jusqu’à terre.