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de la poésie scientifique

S’il l’est par certaines qualités, quoique trop d’instinct pour concevoir une manière d’art générale, il sied plutôt de le regarder, en dehors de toute École, comme exerçant presque inconsciemment, mais nécessairement, à la prime aurore de ces temps nouveaux, une action imprécise, diffuse, — et qu’on peut dire naturellement persuasive sur plusieurs des poètes nouveaux venus.

Un vers de son petit poème, « Art poétique », donné en une revue de 1882, un vers presque négligemment et gaminement lancé en conclusion, me semble avoir été la parole de délivrance qu’attendaient de chaotiques inquiétudes :

« Et tout le reste est littérature !… »

Littérature : c’est-à-dire, si l’on veut, le moment où la phrase seulement grandiloquente ou liquidement dénuée de nervosité, se croit le Verbe, où la cadence traditionnelle tient lieu de Rythme, et où l’on ne pense plus qu’à travers la pensée du passé. Par ce vers qui pourrait tenir toute sa théorie simpliste, Verlaine, spontanément, a été l’avertisseur du retour à l’exacte notion : qu’il n’est rien en l’esprit qui ne soit d’abord en les sens. Cette notion de contrôler la vieille pensée ataviquement littéraire par une neuve sincérité de sensation (c’était cela), toute l’œuvre de Verlaine la proclame, elle s’en caractérise.

Tandis qu’au point de vue prosodique, son enseignement de « préférer l’Impair », c’est-à-dire d’user, à son exemple, de mètres impairs, d’une trouvaille spontanée et instinctive déséquilibrait l’illogisme de l’ancienne métrique d’où il délivrait sa mélodie inentendue encore, souple, pittoresque et émue…

Mallarmé et Verlaine : l’impatience de nouveaux venus