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de la poésie scientifique

Nous avons dispersé la sentimentalité et l’étroit concept égoïste qui se servaient des analogies ingénieusement relevées parmi la nature pour s’exprimer seuls : le poète demeurant dans la naïve et présomptueuse conception de l’univers créé pour l’homme.

Nous avons dispersé cela, vers le Savoir et vers la Beauté consciente par lui, qui tous deux révèlent ou suggèrent l’harmonie totale. Et nous voulons, à l’heure des Synthèses dernières, aux derniers livres, un chant pour les lèvres intellectuelles de l’Homme : qu’il se sente avec nous, devenir le lieu où va à se créer sa conscience émue, l’Unité du monde !

Je devais ainsi, opérant la scission d’avec la poésie égotiste pour renouer des traditions lointaines et nouvellement humaines, selon mes possibilités vouloir toute l’humanité et tout le rêve d’une œuvre, et cette triple orientation. Œuvre où continuement avec la pensée évolutionniste partout présente et vivante en elle, s’établissent, non plus des analogies, mais des rapports essentiels entre tous les actes de l’univers de ses origines à ses fins, et de ceux-ci aux actes humains. Le détail se réfère continuellement à l’ensemble, et tout phénomène naturel ou humain, de rapports en rapports, se rattache, d’élargissement en le sens universel, aux diverses séries évolutives. Ainsi que tout fragment soit semblable aux éclats du miroir brisé, qui reflètent encore l’unique étendue du ciel. « Il est un sens universel en tout caractère », a dit Goethe.

C’est là le sens universel de la « Poésie scientifique », telle qu’elle se présente, comme de principe impersonnel, en point de départ des orientations les plus personnelles et le plus lointainement évoluantes pour les poètes persuadés