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HISTOIRE DE LA DÉCADENCE

l’on vendait à vil prix[1]. Impatiens de briser leurs fers, ils ne respiraient que la vengeance, et regret-

    l’esclavage, où l’on retrouve la profondeur de ses vues et la solidité de son esprit ; j’en opposerai successivement quelques passages aux réflexions de Gibbon : on ne verra pas sans intérêt des vérités que Gibbon paraît avoir méconnues ou volontairement négligées, développées par un des meilleurs historiens modernes ; il importe de les rappeler ici pour rétablir les faits et leurs conséquences avec exactitude ; j’aurai plus d’une fois occasion d’employer à cet effet le discours de Robertson.

    « Les prisonniers de guerre, dit-il, furent probablement soumis les premiers à une servitude constante : à mesure que les besoins ou le luxe rendirent un plus grand nombre d’esclaves nécessaire, on le compléta par de nouvelles guerres, en condamnant toujours les vaincus à cette malheureuse situation. De là naquit l’esprit de férocité et de désespoir qui présidait aux combats des anciens peuples. Les fers et l’esclavage étaient le sort des vaincus : aussi livrait-on les batailles et défendait-on les villes avec une rage, une opiniâtreté que l’horreur d’une telle destinée pouvait seule inspirer. Lorsque les maux de l’esclavage disparurent, le christianisme étendit sa bienfaisante influence sur la manière de faire la guerre ; et cet art barbare, adouci par l’esprit de philanthropie que dictait la religion, perdit de sa force dévastatrice. Tranquille, dans tous les cas, sur sa liberté personnelle, le vaincu résista avec moins de violence, le triomphe du vainqueur fut moins cruel : ainsi l’humanité fut introduite dans les camps, où elle paraissait étrangère ; et si de nos jours les victoires sont souillées de moins de cruautés et de moins de sang, c’est aux principes bienveillans de la religion chrétienne plutôt qu’à toute autre cause que nous devons l’attribuer. » (Note de l’Éditeur.)

  1. Dans le camp de Lucullus, on vendit un bœuf une