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DE L’EMPIRE ROMAIN. CHAP. III.

tion qu’il affectait ; il cherchait à en imposer au peuple, en lui présentant une ombre de liberté civile, et à tromper les armées par une image du gouvernement civil.

Image de liberté pour le peuple.

I. La mort de César se présentait sans cesse à ses yeux. Auguste avait comblé ses partisans de biens et d’honneurs ; mais les plus intimes amis de son oncle avaient été au nombre des conspirateurs. Si la fidélité des légions le rassurait contre les efforts impuissans d’une rebellion ouverte, la vigilance des troupes pouvait-elle mettre sa personne à l’abri du poignard d’un républicain déterminé ? Les Romains, qui révéraient la mémoire de Brutus[1], auraient applaudi à l’imitation de sa vertu. César avait provoqué son destin, autant par l’ostentation de sa puissance, que par sa puissance elle-même. Le consul ou le tribun eût peut-être régné en paix : le titre seul de roi arma les Romains contre sa vie : Auguste savait que le genre humain se laisse gouverner par des noms. Il ne fut pas trompé dans son attente, lorsqu’il s’imagina que le sénat et le peuple se soumettraient à l’esclavage, pourvu qu’on les assurât respectueusement qu’ils jouissaient toujours de leur ancienne liberté. Un sénat faible et un peuple énervé chérirent cette illusion agréable, tant qu’elle fut soutenue par la vertu ou par la prudence

  1. Deux cents ans après l’établissement de la monarchie, l’empereur Marc-Aurèle vante le caractère de Brutus comme un modèle parfait de la vertu romaine.