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DE L’EMPIRE ROMAIN. CHAP. III.

pour lui-même, Marc-Aurèle était rempli d’indulgence pour les faiblesses des autres ; il distribuait également la justice, et se plaisait à répandre ses bienfaits sur tout le genre humain ; il déplora la perte d’Avidius Cassius qui avait excité une révolte en Syrie, et dont la mort volontaire lui enlevait le plaisir de se faire un ami ; il montra combien ses regrets étaient sincères, par le soin qu’il prit de modérer le zèle du sénat contre les partisans de ce traître[1]. La guerre était à ses yeux le fléau de la nature humaine ; cependant, lorsque la nécessité d’une juste défense le forçait de prendre les armes, il ne craignait pas d’exposer sa personne, et de paraître à la tête des troupes. On le vit pendant huit hivers rigoureux camper sur les bords glacés du Danube. Tant de fatigues portèrent enfin le dernier coup à la faiblesse de sa constitution. Sa mémoire fut long-temps chère à la postérité ; et plus d’un siècle encore après sa mort, plusieurs personnes plaçaient l’image de Marc-Aurèle parmi celles de leurs dieux domestiques[2].

Bonheur des Romains.

S’il fallait déterminer dans quelle période de l’histoire du monde le genre humain a joui du sort le plus heureux et le plus florissant, ce serait sans hésiter qu’on s’arrêterait à cet espace de temps qui s’écoula depuis la mort de Domitien jusqu’à l’avénement de Commode. Un pouvoir absolu gouvernait

  1. Dion, l. LXXI, p. 1190 ; Hist. Aug., in Avid. Cassio.
  2. Histoire Auguste, in Marc. Anton., c. 18.