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HISTOIRE DE LA DÉCADENCE

les commentaires sacrés de ce livre divin, lui enseignaient que le sultan descendait du grand prophète, et tenait son autorité du ciel même ; que la patience était la première vertu d’un musulman, et qu’un sujet devait à son souverain une obéissance sans bornes.

Esprit éclairé des Romains. Souvenir de leur première liberté.

C’était d’une manière bien différente que les Romains avaient été préparés pour l’esclavage : courbés sous le poids de leur propre corruption, asservis par la violence militaire, ils conservèrent long-temps les sentimens ou du moins les idées de leurs libres ancêtres. L’éducation d’Helvidius et de Thrasea, de Pline et de Tacite, était la même que celle de Cicéron et de Caton. Les sujets de l’empire avaient puisé dans la philosophie des Grecs les notions les plus justes et les plus sublimes sur la dignité de la nature humaine, et sur l’origine de la société civile. L’histoire de leur pays leur inspirait une vénération profonde pour cette république dont la liberté, les vertus et les triomphes avaient été si célèbres. Pouvaient-ils ne pas frémir au récit des forfaits heureux de César et d’Auguste ? comment n’auraient-ils pas méprisé intérieurement ces tyrans, auxquels ils étaient obligés de prostituer l’encens le plus vil ? comme magistrats et comme sénateurs, ils étaient admis dans ce conseil auguste qui avait autrefois donné des lois à l’univers ; qui jouissait du privilége de confirmer

    douceur du gouvernement de leur patrie ; ils leur ont rendu un très-mauvais office.