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HISTOIRE DE LA DÉCADENCE

sénateur, même coupable, souillât la pureté de son règne.

Meurtre de Pertinax par les prétoriens. A. D. 193, 28 Mars.

Le peu de succès de ces diverses entreprises ne servit qu’à enflammer la rage des prétoriens. Le 28 mars, quatre-vingt six jours seulement après la mort de Commode, une sédition générale éclata dans le camp, malgré les représentations des officiers, qui manquaient de pouvoir ou de volonté pour apaiser le tumulte. Deux ou trois cents soldats des plus déterminés, les armes à la main et la fureur peinte dans leurs regards marchèrent sur le midi vers le palais impérial. Les portes furent aussitôt ouvertes par ceux de leurs camarades qui montaient la garde, et par les domestiques attachés à l’ancienne cour, qui avaient déjà conspiré en secret contre la vie d’un empereur trop vertueux. À la nouvelle de leur approche, Pertinax, dédaignant de se cacher ou de fuir, s’avance au-devant des conjurés : il leur rappelle sa propre innocence et la sainteté de leurs sermens. Ces paroles, l’aspect vénérable du souverain et sa noble fermeté en imposent un moment aux séditieux ; ils se représentent toute l’horreur de leur forfait, et restent pendant quelque temps en silence. Enfin le désespoir du pardon rallume leur fureur. Un barbare, né dans le pays de Tongres[1], porte le premier coup à Pertinax, qui

  1. Aujourd’hui l’évêché de Liège. Ce soldat appartenait probablement à la compagnie des gardes à cheval bataves, qu’on levait, pour la plupart, dans le duché de Gueldres et dans les environs, et qui étaient distingués par leur valeur