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DE L’EMPIRE ROMAIN. CHAP. V.

tentifs pour le tissu toujours délicat de la nouvelle constitution. Mais Sévère, élevé dans les camps, avait été accoutumé dans sa jeunesse à une obéissance aveugle ; et lorsqu’il fut plus avancé en âge, il ne connut d’autorité que le despotisme du commandement militaire. Son esprit hautain et inflexible ne pouvait découvrir, ou ne voulait pas apercevoir l’avantage de conserver, entre l’empereur et l’armée, une puissance intermédiaire, quoique fondée uniquement sur l’imagination. Il dédaignait de s’avouer le ministre d’une assemblée qui le détestait et qui tremblait à son moindre signe de mécontentement ; il donnait des ordres, tandis qu’une simple requête aurait eu la même force. Sa conduite était celle d’un souverain et d’un conquérant ; il affectait même d’en prendre le langage ; enfin, ce prince exerçait ouvertement toute l’autorité législative, aussi-bien que le pouvoir exécutif.

Nouvelles maximes de la prérogative impériale.

Il était aisé de triompher du sénat ; une pareille victoire n’avait rien de glorieux. Tous les regards étaient fixés sur le premier magistrat, qui disposait des armes et des trésors de l’état : tous les intérêts se rapportaient à ce chef suprême. Le sénat, dont l’élection ne dépendait point du peuple, et qui n’avait aucunes troupes pour sa défense, ne s’occupait plus du bien public. Son autorité chancelante portait sur une base faible et prête à s’écrouler : le souvenir de son ancienne sagesse, cette belle théorie du gouvernement républicain, disparaissait insensiblement et faisait place à ces passions plus naturelles, à ces