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ET LE CARACTÈRE DE GIBBON

et son scepticisme sur toute espèce de croyance religieuse eut peut-être pour première cause l’enthousiasme religieux qui lui fit secouer d’abord les idées de son enfance pour s’attacher à une croyance qui n’était pas celle qu’on lui avait enseignée. Quoi qu’il en soit, Gibbon paraît avoir regardé comme une des circonstances les plus avantageuses de sa vie celle qui, réveillant l’attention de ses parens, les força à user plus sévèrement de leur autorité pour le soumettre, déjà un peu tard à la vérité, à un plan régulier d’éducation et d’études. Le ministre Pavilliard, homme raisonnable et instruit, n’avait pas borné ses soins à la croyance religieuse de son élève ; il avait promptement acquis de l’ascendant sur un caractère facile à conduire, et en avait profité pour régler dans le jeune Gibbon cette active curiosité à laquelle il ne manquait que d’être dirigée vers les véritables sources de l’instruction ; mais le maître ne pouvant que les indiquer, laissa bientôt son élève marcher seul dans une route où il n’était pas assez fort pour le suivre : et l’esprit du jeune Gibbon, fait pour l’ordre et la méthode, prit dès lors, soit dans ses études, soit dans ses réflexions, cette marche régulière et suivie qui l’a si souvent conduit à la vérité, et qui l’aurait toujours empêché de s’en écarter, si une subtilité excessive, et une dangereuse facilité à prendre des préventions avant d’avoir étudié et réfléchi, ne l’eussent quelquefois induit en erreur.

On a fait imprimer depuis sa mort, un volume des Extraits raisonnés de ses Lectures, dont les premiers datent à peu près de cette époque où il commença à suivre le plan d’études que lui avait indiqué le ministre Pavilliard. Il est impossible de ne pas être frappé, en le parcourant, de la sagacité, de la justesse et de la finesse de cet esprit calme et raisonneur qui ne s’écarte jamais de la route qu’il s’est proposé de parcourir. Nous ne devons lire que pour nous aider à penser, dit-il dans un Aver-