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HISTOIRE DE LA DÉCADENCE

de six pieds, et qui se terminait en une pointe d’acier de dix-huit pouces, taillée en triangle[1]. Cette arme était bien inférieure à nos armes à feu, puisqu’elle ne pouvait servir qu’une seule fois, et à la distance seulement de dix ou douze pas : cependant, lorsqu’elle était lancée par une main ferme et adroite, il n’y avait point de bouclier en état de résister à sa force, et aucune cavalerie n’osait se tenir à sa portée. À peine le Romain avait-il jeté son javelot, qu’il s’élançait avec impétuosité sur l’ennemi, l’épée à la main. Cette épée était une lame d’Espagne, courte, d’une trempe excellente, à double tranchant, et également propre à frapper et à percer : mais le soldat était instruit à préférer cette dernière façon de s’en servir, comme découvrant moins son corps et faisant en même temps à son adversaire une blessure plus dangereuse[2]. La légion était ordinairement rangée sur huit lignes de profondeur, et les files, aussi-bien que les rangs, étaient toujours à la distance de trois pieds l’une de l’autre[3]. Des troupes accoutumées à conserver un ordre si distinct dans toute l’étendue d’un large front et dans l’impétuosité d’une charge rapide, pouvaient exé-

  1. Du temps de Polybe et de Denys d’Halycarnasse (l. V, c. 43), la pointe d’acier du pilum semble avoir été beaucoup plus longue. Dans le siècle où Végèce écrivait, elle fut réduite à un pied, ou même à neuf pouces : j’ai pris un milieu.
  2. Pour les armes des légionnaires, voyez Juste-Lipse, De militiâ romanâ, l. III, c. 2-7.
  3. Voyez la belle comparaison de Virgile, Géorg. II. v. 279.