Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 10.djvu/123

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

lontiers sous l’esclave du prophète. Si Zeid venait à mourir, Jaafar et Abdallah devaient le remplacer successivement, et s’ils périssaient tous les trois, les troupes étaient autorisées à choisir leur général. Ces trois généraux furent tués en effet à la bataille de Muta[1], c’est-à-dire à la première action de guerre où les musulmans mesurèrent leur valeur contre un ennemi étranger. Zeid tomba comme un soldat au premier rang : la mort de Jaafar fut héroïque et mémorable ; ayant perdu la main droite, il saisit l’étendard de la gauche ; la gauche fut aussi coupée : alors il embrassa et retint la bannière avec ses deux poignets couverts de sang, jusqu’au moment où cinquante blessures honorables l’étendirent par terre, « Avancez, s’écria Abdallah qui alla le remplacer ; avancez avec confiance, la victoire ou le paradis est à nous. » La lance d’un Romain décida l’alternative ; mais Caled, le converti de la Mecque, s’empara du drapeau ; neuf glaives se brisèrent dans sa main, et sa valeur contint et repoussa les chrétiens supérieurs en nombre. On tint conseil dans le camp la nuit suivante, et il fut choisi pour général dans le combat qui eut lieu le lendemain ; son habileté assura aux Sarrasins la victoire ou du moins la retraite, et Caled a reçu de ses compatriotes et de ses ennemis le glorieux surnom de l’Épée de Dieu. Mahomet

  1. Voyez sur la bataille de Muta et ses suites, Abulféda (p. 100-102) et Gagnier (t. II, p. 327-343). Καλεδος, dit Théophane, ον λεγο‌υσι μαχαιραν το‌υ Θεο‌υ.