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Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 10.djvu/134

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sonnelles et sociales, nécessaires pour maintenir la réputation du prophète dans sa secte et parmi ses amis, compensèrent faiblement la funeste influence de ces pernicieuses habitudes. L’ambition fut la passion dominante de ses dernières années, et un politique pourra soupçonner qu’après ses victoires l’imposteur souriait en secret du fanatisme de sa jeunesse et de la crédulité de ses prosélytes[1]. De son côté, un philosophe observera que ses succès et leur crédulité devaient fortifier en lui l’idée d’une mission divine, que ses intérêts et sa religion se trouvaient unis d’une manière inséparable, et qu’il pouvait se délivrer des reproches de sa conscience, en se persuadant que la Divinité le dispensait lui seul des lois positives et morales. Pour peu qu’on lui suppose quelques restes de droiture naturelle, ses crimes peuvent être regardés comme un témoignage de sa bonne foi. Les artifices du mensonge et de la supercherie peuvent paraître moins criminels lorsqu’on les fait servir au triomphe de la vérité, et il eût frémi d’employer de semblables moyens, s’il n’avait pas été convaincu de l’importance et de la justice des desseins auxquels il les faisait concourir. Au reste, on peut, même dans un conquérant et dans un prêtre, surprendre un mot ou une action d’une véritable humanité ; et ce décret qui, dans la vente des cap-

  1. Voltaire, dans un de ses nombreux écrits, compare Mahomet dans sa vieillesse à un fakir « qui détache la chaîne de son cou pour en donner sur les oreilles à ses confrères. »