Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 10.djvu/251

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même, était indulgente et douce à l’égard de ses frères. Après avoir payé à son lieutenant un juste tribut d’éloges et de remercîmens, il donna une larme à la compassion, et s’asseyant à terre, écrivit à Obeidah une lettre où il le reprenait avec douceur de sa sévérité. « Dieu, lui dit le successeur du prophète, n’a pas interdit l’usage des bonnes choses de ce monde aux fidèles et à ceux qui ont fait de bonnes œuvres : ainsi donc vous auriez dû procurer plus de repos à vos troupes, et leur permettre de jouir des choses agréables qu’offre le pays où vous vous trouvez. Ceux des Sarrasins qui n’ont point de famille en Arabie peuvent se marier en Syrie, et chacun d’eux est le maître d’acheter les esclaves femelles dont il aura besoin. » Les vainqueurs se disposaient à user et à abuser de ces agréables permissions ; mais l’année de leur triomphe fut marquée par une mortalité sur les hommes et les troupeaux, qui fit périr en Syrie vingt-cinq mille Sarrasins. Les chrétiens durent regretter Obeidah ; mais ses frères se souvinrent qu’il était un des dix élus que le prophète avait nommés héritiers de son paradis[1]. Caled vécut encore trois ans, et on montre aux environs d’Emèse la tombe de l’épée de Dieu. Sa valeur, à

  1. Abulféda, Annal. Moslem., p. 73. Mahomet pouvait avoir l’adresse de varier les éloges qu’il donnait à ses disciples. Il disait ordinairement d’Omar, que s’il pouvait y avoir un prophète après lui, ce serait Omar ; et que dans une calamité générale la justice divine l’excepterait (Ockl., vol. I, p. 221).