Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 10.djvu/32

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Job et de Sésostris[1], leurs voisins ont été les victimes de leur rapacité. Si un Bédouin aperçoit de loin un voyageur solitaire, il court sur lui avec fureur, en lui criant à haute voix : « Déshabille-toi, ta tante (ma femme) n’a point de vêtement. » Si la soumission est prompte, on a droit à sa clémence ; mais la moindre résistance irrite sa colère, et le sang de sa victime doit être versé en expiation du sang qu’elle aura osé répandre pour sa défense. Celui qui détrousse les passans seul, ou avec un petit nombre d’associés, est traité de voleur ; mais les exploits d’une bande nombreuse prennent le caractère d’une guerre légitime et honorable. Les dispositions violentes d’un peuple ainsi armé contre le genre humain, s’étaient accrues par l’habitude du brigandage, des meurtres et des vengeances autorisés dans ses mœurs domestiques. Dans la constitution actuelle de l’Europe, le droit de faire la paix et la guerre est l’apanage d’un petit nombre de princes, et le nombre de ceux qui réellement exercent ce droit est encore plus petit ; mais chaque Arabe pouvait impunément, et avec gloire, diriger contre son compatriote la pointe de sa javeline. Une vague ressemblance d’idiomes et de mœurs était le seul lien qui constituât ces tribus en

  1. Voyez le premier chapitre de Job, et en outre la longue muraille de quinze cents stades que Sésostris éleva depuis Péluse jusqu’à Héliopolis (Diodore de Sicile, t. I, l. I, p. 67). À cette époque les rois pasteurs avaient subjugué l’Égypte, sous le nom de Hycsos (Marsham, Canon. chron., p. 98-163, etc.).