Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 10.djvu/367

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français. Il arrivait fendant les airs, dit Joinville[1], sous la forme d’un dragon ailé à longue queue, et de la grosseur d’un tonneau ; il était bruyant comme la foudre, il avait la vitesse de l’éclair, et sa funeste lumière dissipait les ténèbres de la nuit. L’usage du feu grégeois, ou comme on pourrait le nommer maintenant, du feu sarrasin, a continué jusque vers le milieu du quatorzième siècle[2], jusqu’à l’époque

  1. Histoire de saint Louis, p. 89, Paris, 1688 ; p. 44, Paris, de l’imprimerie royale, 1761. Les observations de Ducange rendent précieuse la première de ces éditions ; et la pureté du texte de Joinville donne du prix à la seconde. Cet auteur est le seul qui nous apprenne que les Grecs, à l’aide d’une machine qui agissait comme la fronde, lançaient le feu grégeois à la suite d’un dard ou d’une javeline.
  2. La vanité ou le désir de contester les réputations les mieux acquises, a engagé quelques modernes à placer avant le quatorzième siècle la découverte de la poudre à canon (voyez sir William Temple, Dutens, etc.), et celle du feu grégeois avant le septième siècle (voyez le Salluste du président de Brosses, t. II, p. 381) ; mais les témoignages qu’ils citent avant l’époque où l’on place ces découvertes, sont rarement clairs et satisfaisans, et on peut soupçonner de fraude et de crédulité les écrivains postérieurs. Les anciens employaient dans leurs siéges des combustibles qui offraient de l’huile et du soufre ; et le feu grégeois a, par sa nature et ses effets, quelques affinités avec la poudre à canon. Au reste, le témoignage le plus difficile à éluder sur l’antiquité de la première découverte, est un passage de Procope (De bell. goth., l. IV, c. 11) ; et sur celle de la seconde, quelques faits de l’histoire d’Espagne au temps des Arabes (A. D. 1249, 1312, 1332, Bibl. arabica-hispana, t. II, p. 6, 7 et 8).