Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 10.djvu/39

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qu’elle était d’une bonne trempe, ou parce qu’il l’avait reçue d’un parent qu’il honorait. Le serviteur de Kais dit au second suppliant : « Mon maître dort, mais recevez cette bourse de sept mille pièces d’or, c’est tout ce que nous avons au logis : voilà, de plus, un ordre avec lequel on vous donnera un chameau et un esclave. » Le maître, à son réveil, loua son fidèle intendant, et l’affranchit, avec une douce réprimande sur ce qu’en respectant son sommeil, il avait mis des bornes à ses largesses. L’aveugle Arabah était le dernier des trois héros : au moment où l’on s’adressa à lui, il marchait appuyé sur les épaules de deux de ses esclaves ; « Hélas ! s’écria-t-il, mes coffres sont vides ; mais vous pouvez vendre ces deux esclaves ; et quand vous les refuseriez, je ne les reprendrais pas. » À ces mots, il repoussa loin de lui les deux esclaves, et, avec son bâton, il chercha en tâtonnant le bord de la muraille. Hatem nous offre un modèle parfait des vertus arabes[1] ; il était brave et libéral, poète éloquent et voleur habile ; il faisait rôtir quarante chameaux pour ses festins hospitaliers ; et dès qu’un ennemi l’abordait en suppliant, il rendait les captifs et le butin. L’indépendance de ses compatriotes dédaignait les lois de la justice ; ils s’a-

  1. D’Herbelot, Bibl. orient., p. 458 ; Gagnier, Vie de Mahomet, t. III, p. 118. Caab et Hesnus (Pococke, Specim., p. 43, 46, 48) se distinguèrent aussi par leur libéralité ; et un poète arabe dit avec élégance du dernier : Videbis eum cum accesseris exultantem, ac si dares illi quod ab illo petis.