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Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 10.djvu/408

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pératrice, qui le vit bientôt campé en face de son palais, sur les hauteurs de Chrysopolis ou Scutari, apprit par là qu’elle avait perdu une grande partie de ses troupes et de ses provinces. Ses ministres, autorisés et avoués par elle, souscrivirent une paix ignominieuse, et les présens mutuels des deux cours ne purent déguiser la honte d’un tribut annuel de soixante-dix mille dinars d’or, auquel l’empire romain fut obligé de se soumettre. Les Sarrasins ne s’étaient pas avancés avec assez de précaution dans une terre ennemie et éloignée de leur empire ; pour les engager à se retirer, on leur promit des guides fidèles et des vivres en abondance ; et il ne se trouva pas un seul Grec qui eût le courage d’insinuer qu’on pouvait environner et détruire leurs troupes fatiguées, lorsqu’elles passeraient entre une montagne d’un accès très-difficile et la rivière du Sangarius. Cinq années après cette expédition, Haroun monta sur le trône de son père : c’est de tous les monarques de sa famille celui qui a déployé le plus de puissance et d’énergie ; son alliance avec Charlemagne l’a rendu célèbre en Occident, et nous le connaissons dès notre enfance par le rôle qu’il joue sans cesse dans les Contes arabes. Il a souillé son surnom de Rashid (le Juste), par la mort des généreux Barmecides, peut-être innocens ; ce qui, au reste, n’empêchait pas qu’il ne pût rendre justice à une pauvre veuve qui, pillée par ses troupes, osa citer au despote négligent un passage du Koran qui le menaçait du jugement de Dieu et de la postérité.