leur butin, ils virent leurs navires en proie aux flammes, et Abu Caab, leur chef, s’avoua l’auteur de l’incendie. Leurs clameurs l’accusèrent d’extravagance ou de perfidie. « De quoi vous plaignez-vous ? leur répondit l’adroit émir. Je vous ai amenés dans une terre où coulent le lait et le miel. C’est ici votre patrie. Reposez-vous de vos fatigues, et oubliez les déserts qui vous ont donné le jour. — Et nos femmes et nos enfans ? s’écrièrent les pirates. — Vos belles captives remplaceront vos femmes, ajouta Abu Caab : dans leurs bras vous deviendrez bientôt les pères d’une nouvelle famille. » Ils n’eurent d’abord pour habitation que leur camp place dans la baie de Suda, et environné d’un fossé et d’un rempart ; mais un moine apostat leur fit connaître dans la partie orientale une position plus avantageuse, et le nom de Candax, qu’ils donnèrent à leur forteresse et à leur colonie est devenu celui de l’île entière, que par corruption on a appelée Candie. Il ne restait plus que trente de ces cent villes qu’on y voyait au temps de Minos ; et une seule, à ce qu’on croit, Cydonia, eut le courage de maintenir sa liberté et de ne pas abjurer le christianisme. Les Sarrasins de la Crète ne tardèrent pas à reconstruire des vaisseaux ; et les bois du mont Ida fendirent bientôt le sein des mers. Durant cent trente-huit ans d’une guerre continuelle contre ces audacieux corsaires, les princes de Constantinople ne cessèrent de les attaquer et de les poursuivre sans aucun fruit.