Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 10.djvu/445

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déposèrent leur souverain, et profanèrent la mosquée et le harem. Si les califes se réfugiaient dans le camp ou à la cour d’un prince voisin, ils ne faisaient que changer de servitude ; le désespoir les détermina enfin à appeler les Bowides, sultans de la Perse, dont les armes irrésistibles réduisirent au silence les factions de Bagdad. Moezaldowlat, le second des trois frères Bowides, s’arrogea le pouvoir civil et le pouvoir militaire, et sa générosité voulut bien assigner soixante mille livres sterling pour les dépenses particulières du commandeur des fidèles ; mais quarante jours après la révolution, au milieu d’une audience donnée aux ambassadeurs du Khorasan, et sous les yeux d’une multitude effrayée, les Dilémites, par ordre du prince étranger, arrachèrent le calife de son trône et le traînèrent dans un cachot. On pilla son palais, on lui creva les yeux, et telle fut l’ambition des Abbassides qu’ils ne craignirent pas d’aspirer encore à une couronne si dangereuse et si avilie. Les voluptueux califes retrouvèrent à l’école de l’adversité les vertus austères et frugales des premiers temps de leur religion. Dépouillés de leur armure et de leur robe de soie, ils jeûnaient, ils priaient, ils étudiaient le Koran et la tradition des sonnites ; ils remplissaient avec zèle et d’une manière éclairée les fonctions de leur dignité ecclésiastique. Les nations respectaient toujours en eux les successeurs de l’apôtre, les oracles de la loi ou de la conscience des fidèles ; la faiblesse et la division de leurs tyrans leur rendirent quelquefois la souveraineté de Bagdad. Mais leur