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Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 10.djvu/539

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arrêté l’activité et les progrès de l’esprit humain. Sa grande étendue laissait à la vérité quelque carrière à l’émulation des citoyens entre eux ; mais lorsqu’il se trouva réduit par degrés d’abord à l’Orient, ensuite à la Grèce et à Constantinople, les sujets de l’empire de Byzance n’offrirent plus qu’un caractère abject et languissant, effet naturel de leur position isolée. Ils se voyaient accablés vers le nord par des tribus de Barbares dont ils ne connaissaient pas le nom, et qu’ils regardaient à peine comme des hommes. La langue et la religion des Arabes, nation plus civilisée, opposaient une barrière insurmontable à toute communication sociale avec eux. Les vainqueurs de l’Europe professaient, ainsi que les Grecs, la religion chrétienne ; mais l’idiome des Francs ou des Latins était inconnu à ceux-ci : leurs mœurs étaient grossières, et ils n’eurent avec les successeurs d’Héraclius aucun rapport, soit d’alliance ou d’inimitié. Seul dans son espèce, l’orgueil des Grecs, toujours content de lui-même, ne se laissait jamais troubler par la comparaison d’un mérite étranger ; et ne voyant ni rivaux qui pussent les aiguillonner dans leur course, ni juges pour les couronner au bout de la carrière, il n’est pas étonnant qu’ils aient succombé. Les croisades mêlèrent les nations de l’Europe et de l’Asie ; et c’est sous la dynastie des Comnène que l’empire de Byzance reprit une faible émulation de lumières et de vertus militaires.


fin du tome dixième.