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Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 10.djvu/70

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et de pierreries, une copie en papier de cet ouvrage immortel ; et ce fidèle messager lui en révéla successivement les chapitres et les versets. Au lieu de déployer tout à la fois le modèle parfait et immuable de la volonté de Dieu, Mahomet en publia, selon qu’il lui plaisait, les divers fragmens. Chacune des révélations est accommodée aux divers besoins de ses passions ou de sa politique ; et afin d’échapper au reproche de contradiction, il établit pour maxime que chacun des textes se trouvait abrogé ou modifié par quelque passage subséquent. Les disciples de Mahomet écrivirent avec soin sur des feuilles de palmier, ou des omoplates de mouton, les paroles de Dieu et celles de l’apôtre, et ces diverses pages furent jetées sans ordre et sans liaison dans un coffre dont le prophète confia la garde à une de ses femmes. Deux ans après sa mort, Abubeker, son ami et son successeur, mit en ordre et publia le volume sacré ; l’ouvrage fut revu par le calife Othman dans la trentième année de l’hégyre ; et les diverses éditions du Koran partagent toutes le miraculeux privilége d’offrir un texte uniforme et incorruptible. Soit fanatisme, soit vanité, le prophète tire du mérite de son livre la preuve de la vérité de sa mission : il défie hardiment les hommes et les anges d’imiter la beauté d’une de ses pages, et il ose assurer que Dieu seul a pu dicter cet écrit[1]. Cet argument fait beau-

  1. Koran, c. 17, v. 89 ; Sale, p. 235, 236 ; Maracci, p. 410.