Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 11.djvu/341

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née comme la présentaient les chrétiens, et de la javeline balancée dans la main des Turcs, de la lourde et large épée des premiers et du sabre recourbé que portaient les autres, des robes légères et flottantes et de la pesante armure, de l’arc des Tartares et de l’arbalète, arme meurtrière inconnue jusque alors aux Orientaux[1]. Tant que les chevaux conservèrent leur vigueur et qu’il resta des flèches dans les carquois, Soliman eut l’avantage, et quatre mille chrétiens mordirent la poussière ; mais sur le soir, la force l’emporta sur l’agilité : des deux côtés le nombre était égal ; partout du moins il s’en trouvait autant qu’en pouvait comporter l’espace, et qu’en pouvaient faire mouvoir les généraux ; mais en tournant les collines, la dernière division des Provençaux de Raimond tomba, peut-être sans dessein, sur les derrières d’un ennemi épuisé, et décida l’événement si long-temps suspendu : outre la multitude qu’on ne prend jamais la peine de nommer, et que l’on compte à peine, trois mille chevaliers païens périrent dans la bataille et dans la poursuite. Le camp de Soliman fut pillé, et dans le précieux butin dont il était rempli, la curiosité des

  1. Balista, balestra, arbalète, Voy. Muratori, Antiquit. t. II, p. 517-524 ; Ducange, Gloss. lat., t. I, p. 531, 532. Du temps d’Anne Comnène, cette arme, qu’elle décrit sous le nom de tzangra, était inconnue en Orient (l. X, p. 291). Par un sentiment d’humanité peu conséquent, le pape s’efforça d’en proscrire l’usage dans les guerres des chrétiens.