Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 11.djvu/446

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Innocent III. A. D. 1198-1216.

La dîme de Saladin, imposée généralement sur le peuple et sur le clergé de l’Église latine pour le service de la guerre sainte, est un des monumens les plus honorables de sa renommée et de la terreur qu’il inspirait. Cette pratique était trop lucrative pour cesser avec l’occasion qui la fit naître ; et ce tribut fut l’origine des censives et dixièmes accordés aux souverains par les pontifes romains, sur les biens de l’Église, ou réservés pour l’usage particulier du saint siége[1] ; ce tribut pécuniaire dut servir à augmenter l’intérêt que prenaient les papes à la délivrance de la Terre-Sainte. Après la mort de Saladin, leurs lettres, leurs légats et leurs missionnaires continuèrent à prêcher les croisades, et l’on pouvait espérer du zèle et des talens d’Innocent III le succès de cette pieuse entreprise[2]. Sous ce jeune et ambitieux pontife, les successeurs de saint Pierre atteignirent au dernier degré de leur grandeur, et, durant un règne de dix-huit ans, il exerça une autorité despotique sur les empereurs et les rois, qu’il créait et déposait, et sur les nations, qu’il punissait des

  1. Thomassin (Discipline de l’Église, t. III, p. 311-374) a examiné en détail l’origine, les abus et les restrictions de ces dîmes. On soutint passagèrement une opinion par laquelle les dixièmes paraissaient légitimement dus au pape, comme le dixième du dixième des lévites au grand-prêtre ou pontife (Selden, sur les Dîmes ; voy. ses Œuvres, vol. III, part. II, p. 1083).
  2. Voyez Gesta Innocentii III, dans Muratori, Scriptor. rerum ital., t. III, part. I, p. 486-568.