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de Barbares, replongèrent l’occident de l’Europe dans son premier état d’anarchie et de barbarie. Vers le onzième siècle, l’expulsion ou la conversion des ennemis du christianisme apaisèrent cette seconde tempête. La civilisation, qui depuis si long-temps semblait se retirer et se resserrer, recommença à s’étendre avec une constante rapidité, et ouvrit une nouvelle carrière aux épreuves et aux efforts de la génération naissante. Durant les deux siècles des croisades, les progrès des arts furent brillans et rapides ; mais je ne suis point de l’avis de certains philosophes, qui ont applaudi à l’influence de ces guerres saintes[1]. Il me semble qu’elles ont plutôt retardé qu’avancé la maturité de l’Europe[2]. La vie et les travaux de plusieurs millions d’hommes ensevelis dans l’Orient, auraient été plus utilement employés à cultiver et à perfectionner leur pays natal ; la masse toujours croissante des productions et de l’industrie aurait

    à leurs incursions en Italie et en France, qui n’avaient d’autre but que le pillage et la dévastation.

  1. Voyez sur ce sujet l’ouvrage de M. Heeren, intitulé Essai sur l’influence des Croisades (Paris, 1808), où les résultats heureux, bien qu’éloignés, de ces guerres saintes, sont développés avec autant de sagacité philosophique que d’érudition. (Note de l’Éditeur.)
  2. Un rayon brillant de lumière philosophique est sorti de nos jours du fond de l’Écosse, et a enrichi la littérature sur le sujet intéressant des progrès de la société en Europe ; et c’est avec autant de plaisir personnel que de justice, que je cite les noms respectables de Hume, Robertson et Adam Smith. Voyez deux ouvrages traduits de G. Stuart, par B.