Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 12.djvu/241

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

geait à prévenir le crime d’un usurpateur plutôt que d’avoir à le punir ; et Apocaucus ne put s’empêcher de sourire du succès de ses flatteries, lorsqu’il vit l’évêque de Byzance s’environner du même appareil que le pontife romain, et réclamer les mêmes droits temporels[1]. Une ligue secrète se forma entre ces trois personnes si différentes de caractère et de situation ; on rendit au sénat une ombre d’autorité, et l’on séduisit les peuples par le nom de liberté. Cette confédération puissante attaqua le grand-domestique, d’abord d’une manière détournée, et ensuite à force ouverte. On disputa ses prérogatives, on rejeta ses conseils ; ses amis furent persécutés, et il courut souvent des risques pour sa vie au milieu de la capitale et à la tête des armées. Tandis qu’il s’occupait au loin du service de l’état, on l’accusa de trahison, on le déclara ennemi de l’empire et de l’Église, et on le dévoua lui et tous ses adhérens au glaive de la justice, à la vengeance du peuple et aux puissances de l’enfer. Sa fortune fut confisquée ; on jeta dans une prison sa mère, déjà avancée en âge : tous ses services furent mis en oubli, et Cantacuzène se vit forcé, par la violence et l’injustice, à commettre le crime dont on l’avait accusé[2]. Rien dans

  1. Il prit les souliers ou brodequins rouges, se coiffa d’une mitre d’or et de soie, signa ses lettres avec de l’encre verte, et réclama pour la nouvelle Rome tous les priviléges que Constantin avait accordés à l’ancienne. (Cantacuzène, l. III, c. 36 ; Nicéph. Grég., l. XIV, c. 3.)
  2. Nicéphore Grégoras (l. XII, c. 5) atteste l’innocence