Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 12.djvu/255

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prit pouvait s’élever à la jouissance ou à la vision de la Divinité. Les expressions de l’abbé qui gouvernait les monastères du mont Athos[1] dans le onzième siècle, développeront d’une manière plus sensible l’opinion et les pratiques de ces religieux. « Quand vous serez seuls dans votre cellule, dit le docteur asiatique, fermez la porte et asseyez-vous dans un coin ; élevez votre imagination au-dessus de toutes les choses vaines et transitoires ; appuyez votre barbe et votre menton sur votre poitrine ; tournez vos regards et vos pensées vers le milieu de votre ventre où est placé votre nombril, et cherchez l’endroit du cœur, siége de l’âme. Tout vous paraîtra d’abord triste et sombre ; mais si vous persévérez jour et nuit, vous éprouverez une joie ineffable. Dès que l’âme a découvert la place du cœur, elle se trouve enveloppée dans une lumière mystique et éthérée. » Cette lumière, production d’une imagination malade, d’un estomac et d’un cerveau vides, était adorée des quiétistes comme l’essence pure et parfaite de Dieu lui-même. Tant que cette folie se renferma dans les monastères du mont Athos, les solitaires simples dans leur foi ne pensèrent point à s’informer comment l’essence divine pouvait être une substance matérielle, ou comment une substance immatérielle pouvait se rendre sensible aux yeux du corps. Mais sous

  1. Mosheim, Instit. ecclés., p. 522, 523 ; Fleury, Hist. ecclés., t. XX, p. 22-24, 107-114, etc. Le premier développe philosophiquement les causes ; le second transcrit et traduit avec les préjugés d’un prêtre catholique.