Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 12.djvu/303

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rière, à la vérité, ne résista pas long-temps ; la défaite et la captivité des Seljoucides mit à découvert le dénuement des Grecs. Le formidable Holagou menaça de marcher à Constantinople à la tête d’une année de quatre cent mille hommes ; et la terreur panique qui s’empara des habitans de Nicée donnera une idée de l’effroi qu’il inspirait. La cérémonie accidentelle d’une procession et la répétition de la litanie lugubre : « Préservez-nous, mon Dieu, de la fureur des Tartares ! » firent répandre dans la ville la fausse nouvelle d’un assaut et d’un massacre. Les rues furent aussitôt remplies d’une multitude d’habitans des deux sexes, aveuglés par la frayeur et fuyant sans savoir où ni pourquoi : ce ne fut qu’au bout de plusieurs heures que la fermeté des officiers de la garnison parvint à délivrer la ville de ce malheur imaginaire. La conquête de Bagdad détourna heureusement l’ambition de Holagou et de ses successeurs ; ils soutinrent dans la Syrie une longue guerre, où ils ne furent pas toujours victorieux ; leur querelle avec les musulmans les disposa à s’unir aux Grecs et aux Francs[1] ; et par générosité ou par mépris, ils offrirent le royaume de l’Anatolie pour récompense à un de leurs vassaux arméniens. Les émirs qui occupaient des villes et des montagnes, se

  1. Abulpharage, qui écrivit en 1284, affirme que depuis la fabuleuse défaite de Batou, les Mongouls n’avaient attaqué ni les Grecs ni les Francs, et on peut le regarder comme un témoin irrécusable. Hayton, prince d’Arménie, s’applaudit aussi de leur amitié pour lui et pour sa nation.