Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 12.djvu/342

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avec un carnage incroyable, et ses ennemis furent forcés de s’écrier : « Timour est un homme merveilleux, Dieu et la fortune sont avec lui ! » Mais cette action sanglante réduisit sa petite troupe au nombre de dix, qui diminua encore par la désertion de trois Carismiens. Il parcourut le désert avec sa femme, ses sept compagnons et quatre chevaux, et passa soixante-deux jours enfermé dans un sombre cachot, dont il se retira par son courage et le remords de son oppresseur. Après avoir traversé à la nage le courant large et rapide du Gihoon ou Oxus, il mena durant plusieurs mois, sur les frontières des états voisins, la vie errante d’un exilé et d’un proscrit. Mais l’adversité donna un nouvel éclat à sa renommée : elle lui apprit à distinguer, parmi les compagnons de sa fortune, ceux qui lui étaient attachés personnellement, et à employer le talent ou le caractère des hommes à leur plus grand avantage, et surtout au sien. Timour, après être rentré dans sa patrie, fut joint successivement par différens partis de confédérés qui l’avaient cherché avec inquiétude dans le désert. Je ne puis me refuser à donner, dans sa touchante simplicité, le récit d’une de ces heureuses rencontres. Il se présenta pour servir de guide à trois chefs suivis de soixante-dix cavaliers. « Lorsqu’ils jetèrent les yeux sur moi, dit Timour, ils furent éperdus de joie ; et ils sautèrent à bas de leurs chevaux, et ils vinrent et se mirent à genoux devant moi, et ils baisèrent mes étriers. Je descendis aussi de mon cheval et je les serrai l’un après l’autre dans