Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 12.djvu/437

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dèles, faites-leur envisager ce danger. Proposez un concile, entrez en négociations ; mais prolongez-les toujours et éludez la convocation de cette assemblée, qui ne vous serait d’aucune utilité spirituelle ou temporelle. Aucun des deux partis ne voudra reculer ou se retracter ; les Latins sont orgueilleux, les Grecs sont obstinés. En voulant accomplir la réunion, vous ne feriez que confirmer le schisme, aliéner les Églises, et nous exposer sans ressource et sans espoir à la merci des Barbares. » Peu satisfait de cette sage leçon, le jeune prince se leva et sortit en silence. Le prudent monarque, continue Phranza, me regarda, et reprit ainsi son discours. « Mon fils se croit grand et héroïque ; mais, hélas ! ce siècle misérable n’offre aucun champ à l’héroïsme ni à la grandeur. Son esprit audacieux pouvait convenir dans les temps plus heureux de nos ancêtres. Notre situation présente exige moins un empereur qu’un économe circonspect des débris de notre fortune. Je n’ai point oublié les vastes espérances qu’il fondait sur notre alliance avec Mustapha, et je crains que sa témérité imprudente ou même sa piété ne précipite la ruine de notre maison et de la monarchie. » [Mort de l’empereur Manuel.]L’expérience et l’autorité de Manuel éludèrent cependant le concile et conservèrent la paix jusqu’à la soixante-dix-huitième année de son âge, dans laquelle il expira revêtu d’un habit monastique, après avoir distribué ses meubles précieux à ses enfans, aux pauvres, à ses médecins et à ses domestiques favoris.