Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 12.djvu/67

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par le sentiment de la justice et de sa reconnaissance, le jeune Alexis oubliait souvent sa dignité pour rendre des visites familières à ses bienfaiteurs ; et dans la liberté du repas, la vivacité légère des Français leur faisait oublier l’empereur d’Orient[1]. On convint, dans des conférences plus sérieuses, que le temps pouvait seul opérer la réunion des deux Églises, et qu’il fallait l’attendre avec patience. Mais l’avarice fut moins traitable que le zèle, et il fallut payer comptant une somme très-forte pour apaiser les besoins et les clameurs des croisés[2]. Alexis voyait avec inquiétude arriver le moment de leur départ. L’absence des confédérés l’aurait dispensé d’un engagement auquel il n’était point encore en état de satisfaire ; mais elle l’aurait en même temps exposé sans secours aux caprices d’une nation per-

    sages de cette description dans Foulcher de Chartres (Hist. Hieros., t. I, c. 4) et Guillaume de Tyr (II, 3 ; XX, 26).

  1. En jouant aux dés les Latins lui ôtèrent son diadème, et le coiffèrent d’un bonnet de laine ou de poil. Το μεγαλοϖρεϖες και παγκλεισ‌τον κατερρυϖαινεν ονομα. (Nicétas, p. 358). Si cette plaisanterie lui fut faite par des Vénitiens, c’était une suite de l’insolence naturelle aux négocians et aux républicains.
  2. Villehardouin, no 181 ; Dandolo, p. 322. Le doge affirme que les Vénitiens furent payés plus lentement que les Français ; mais il observe que l’histoire des deux nations n’est point d’accord sur cet objet. Avait-il lu Villehardouin ? Les Grecs se plaignirent, quod totius Græciæ opes transtulisset (Gunther, Hist. C. P., c. 13). Voyez les lamentations et les invectives de Nicétas, p. 355.