Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 12.djvu/73

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lace proclama de force un fantôme qui fut bientôt abandonné[1]. Mais Alexis, prince de la maison de Ducas, était le véritable auteur du tumulte, et le moteur de la guerre. Les historiens le distinguent par le surnom de Mourzoufle[2], qui, dans la langue vulgaire, désignait ses sourcils noirs, épais et rapprochés sans intervalle. À la fois patriote et courtisan, le perfide Mourzoufle, qui ne manquait ni d’art ni de courage, opposa aux Latins son éloquence et son épée, s’insinua dans la confiance d’Alexis, et en obtint l’office de chambellan et les marques de la royauté. Dans le silence de la nuit, il courut précipitamment à la chambre du jeune empereur, et, d’un air effrayé, lui persuada que les ennemis avaient séduit ses gardes et forcé le palais. L’infortuné Alexis se livra sans défiance au traître qui méditait sa perte. Il descendit avec lui par un escalier dérobé, mais cet escalier aboutissait à un cachot ; on se saisit du prince, on le dépouilla, on le chargea de chaînes, et après lui avoir laissé savourer plusieurs jours toute l’amertume de la mort, le barbare Mourzoufle le fit empoisonner, étrangler ou assommer en sa présence. L’empereur Isaac suivit

  1. Il se nommait Nicolas Canabus. Nicétas en fait l’éloge, et Mourzoufle le sacrifia à sa vengeance (p. 362).
  2. Villehardouin (no 116) en parle comme d’un favori, et semble ignorer qu’il était prince du sang impérial et de la maison de Ducas. Ducange, qui furète partout, soupçonne qu’il était le fils d’Isaac Ducas Sébastocrator, et cousin issu de germain du jeune empereur Alexis.