Sophie, il se rendit à la demeure auguste, mais désolée qu’avaient habitée cent successeurs de Constantin : en peu d’heures, elle avait été dépouillée de toute la pompe de la royauté ; il ne put s’empêcher de faire une triste réflexion sur les vicissitudes de la grandeur humaine, et répétant un élégant distique d’un poète persan : « L’araignée, dit-il, a fabriqué sa toile dans le palais impérial, et la chouette a chanté ses chants de nuit sur les tours d’Afrasiab. »[1]
Sa conduite envers les Grecs.
Toutefois son esprit n’était pas satisfait, et sa victoire ne lui semblait pas complète, tant qu’il ne savait pas ce qu’était devenu Constantin ; s’il avait pris la fuite, s’il était prisonnier, ou s’il avait péri dans le combat. Deux janissaires réclamèrent l’honneur et le prix de sa mort ; on le reconnut sous un tas de cadavres, aux aigles d’or brodés sur sa chaussure : les Grecs reconnurent en pleurant la tête de leur souverain ; Mahomet, après avoir fait exposer aux regards publics ce sanglant trophée[2], ac-
- ↑ Ce distique rapporté par Cantemir en original, tire une nouvelle beauté de l’application. C’est ainsi qu’au sac de Carthage, Scipion répéta la fameuse prophétie d’Homère. C’est même un sentiment généreux qui a reporté l’esprit des deux conquérans sur le passé ou sur l’avenir.
- ↑ Je ne puis croire avec Ducas (voy. Spondanus, A. D. 1453, no 13) que Mahomet ait fait porter la tête de l’empereur grec à travers les provinces de la Perse, de l’Arabie, etc. Il se serait sûrement contenté de trophées moins inhumains.