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foule des esclaves turcs, dont il adopta l’habit et la religion.

Douleur et effroi de l’Europe. A. D. 1453.

Lorsque les Turcs furent maîtres de Constantinople, on sentit et on exagéra l’importance de cette perte. Le pontificat de Nicolas V, d’ailleurs paisible et heureux, fut déshonoré par la chute de l’empire d’Orient, et la douleur ou l’effroi des Latins ranima ou parut ranimer l’enthousiasme des croisades. Dans l’une des contrées les plus éloignées de l’Occident, à Lille en Flandre, Philippe, duc de Bourgogne, assembla les premiers personnages de sa noblesse, et régla le fastueux appareil de la fête, de manière à frapper leur imagination et leurs sens[1]. Au milieu du banquet, un Sarrasin d’une taille gigantesque entra dans la salle ; il conduisait un simulacre d’éléphant qui portait un château ; on vit sortir du château, en habit de deuil, une matrone qui représentait la religion. Elle déplora ses malheurs, elle accusa l’indolence de ses champions ; le premier héraut de la toison d’or s’avança, tenant sur son poing un faisan en vie qu’il offrit au duc, selon les rites de la chevalerie. Sur cette étrange sommation, Philippe, prince sage et âgé, s’engagea lui et toutes ses forces pour une sainte guerre contre les Turcs. Les barons et les chevaliers réunis dans cette assemblée, imi-

  1. Voyez les détails de cette fête dans Olivier de La Marche (Mémoires, part. I, c. 29, 30) et l’extrait et les observations de M. de Sainte-Palaye (Mém. sur la Chevalerie, t. I, part. III, p. 182-185). Le paon était, ainsi que le faisan, considéré comme un oiseau royal.