Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 13.djvu/149

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merçans, sont animés par la même impulsion d’une nature sauvage, qui songe au présent sans s’occuper de l’avenir, et sacrifie à des jouissances momentanées la longue et paisible possession des plus importans avantages. C’est ainsi que les Romains inconsidérés profanèrent la châsse de saint Pierre, volèrent les offrandes des fidèles, blessèrent les pèlerins, sans calculer le nombre et la valeur de ces pèlerinages qu’allait arrêter leur brigandage sacrilége. L’influence même de la superstition est mobile et précaire, et souvent l’avarice ou l’orgueil délivre l’esclave dont la raison est asservie. Les fables et les oracles des prêtres peuvent avoir beaucoup d’empire sur l’esprit d’un Barbare ; mais aucun esprit n’est moins disposé à préférer l’imagination aux sens, à sacrifier les désirs et les intérêts de ce monde à un motif éloigné ou à un objet invisible et peut-être idéal ; dans la vigueur de l’âge et de la santé, ses mœurs sont toujours en contradiction avec sa foi, et le désordre continue jusqu’à l’époque où la vieillesse, la maladie ou l’infortune, éveillent ses craintes et le pressent d’acquitter la double dette que lui imposent la piété et le remords. J’ai déjà observé que l’indifférence de nos temps modernes sur les matières de religion est ce qu’il y a de plus favorable à la paix et à la sûreté des prêtres. Sous le règne de la superstition, ils avaient beaucoup à espérer de l’ignorance, et beau-

    c. 13), et les passions et l’ignorance sont toujours despotiques.