Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 13.djvu/15

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dans les îles de Corfou et de Lesbos, les sujets des Latins se plaignirent hautement de l’union prétendue qui ne devait servir, disaient-ils, que d’un nouvel instrument à la tyrannie. En débarquant sur la rive de Byzance, ils furent salués ou plutôt assaillis par le murmure général du zèle blessé et du mécontentement. Depuis plus de deux ans, qu’avait duré leur absence, la capitale était privée de ses chefs civils et ecclésiastiques, et le fanatisme fermentait dans l’anarchie ; des moines turbulens gouvernaient la conscience des femmes et des dévots, et leur prêchaient la haine des Latins, pour eux le premier sentiment de la nature et de la religion. Avant son départ pour l’Italie, l’empereur avait flatté ses sujets d’un prompt et puissant secours ; et le clergé, rempli du sentiment de son orthodoxie et de sa science, s’était promis et avait promis à son troupeau une victoire facile sur les aveugles pasteurs de l’Occident, Les Grecs, trompés dans cette double espérance, se livrèrent à l’indignation ; les prélats qui avaient souscrit sentirent leur conscience se réveiller ; le moment de la séduction était passé : ils avaient plus à craindre de la colère publique qu’à espérer de la protection du pape et de l’empereur. Loin de vouloir excuser leur conduite, ils confessèrent humblement leur faiblesse et leur repentir, et implorèrent la miséricorde de Dieu et de leurs compatriotes. Lorsqu’on leur demanda d’un ton de reproche quels avaient été le résultat et l’avantage du concile d’Italie, ils répondirent, avec des soupirs et des larmes : « Nous