Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 13.djvu/231

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

la justice, objets de toutes les sociétés civiles, étaient intérieurement bannies de Rome. Des citoyens[1] jaloux, qui auraient enduré toutes les injures relatives à leurs personnes ou à leurs propriétés, étaient profondément blessés du déshonneur de leurs femmes et de leurs filles ; ils étaient opprimés également par l’arrogance des nobles et la corruption des magistrats ; et, selon les emblèmes allégoriques reproduits de diverses manières dans les tableaux que Rienzi exposait dans les rues et dans les églises, la seule différence qui se trouvât entre les chiens et les serpens, était l’abus qu’ils faisaient les uns des armes, et les autres des lois. Tandis que la foule attirée par ces tableaux les regardait avec curiosité, l’orateur, plein de hardiesse et toujours préparé, en développait le sens, en appliquait la satire ; il allumait les passions des spectateurs, et annonçait un espoir éloigné de délivrance et de soulagement. Les priviléges de Rome, sa souveraineté à jamais durable sur ses princes et sur ses provinces, étaient, soit en public, soit en particulier, l’objet de ses discours ; et un monument de servitude devint entre ses mains un titre et un aiguillon de liberté. Le décret du sénat, qui accordait les plus grandes prérogatives à l’empereur Vespasien, avait été inscrit sur une table de cuivre qu’on voyait encore dans le chœur de l’église de Saint-Jean-de-Latran[2]. Il invita un

  1. Pétrarque rapproche la jalousie des Romains du caractère facile des maris d’Avignon (Mémoires, t. I, p. 336).
  2. Les fragmens de la lex Regia se trouvent dans les In-