Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 13.djvu/261

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quelles que fussent les espérances qui l’avaient porté à se découvrir, Rienzi se trouva captif ; il soutint son caractère d’indépendance et de dignité, il obéit comme par son propre choix à l’ordre irrésistible du souverain pontife. Son indigne conduite avait refroidi Pétrarque ; le zèle du poète fut ranimé par le malheur et la présence de son ami ; il se plaignit hardiment d’un siècle où le libérateur de Rome était remis par son empereur entre les mains de son évêque. Rienzi fut conduit lentement, mais sous une sûre escorte, de Prague à Avignon. [Prisonnier à Avignon. A. D. 1351.]Son entrée dans cette ville fut celle d’un malfaiteur ; il fut enchaîné dans sa prison par la jambe, et quatre cardinaux eurent ordre d’examiner les crimes d’hérésie et de rebellion dont on l’accusait ; mais le procès et la condamnation de Rienzi auraient fixé l’attention sur des objets qu’il était prudent de laisser sous le voile du mystère : la suprématie temporelle des papes, le devoir de la résidence, et les priviléges civils et ecclésiastiques du clergé et du peuple de Rome. Le pontife qui régnait alors méritait le nom de Clément ; les malheurs et la grandeur d’âme du captif excitèrent sa pitié et son estime, et Pétrarque croit qu’il respecta dans le héros le nom et le sacré caractère de poète[1]. On adoucit la prison de Rienzi ; on lui

  1. L’étonnement et presque la jalousie de Pétrarque est une preuve, sinon de la vérité de ce fait incroyable, au moins de la bonne foi de celui qui le raconte. L’abbé de Sade (Mémoires, t. III, p. 242) cite la sixième épître du