Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 13.djvu/81

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cent vingt navires dans la Propontide, mais dix-huit seulement pouvaient être regardés comme des navires de guerre, et il paraît que le plus grand nombre n’était que des flûtes et des transports qui versaient dans le camp, des hommes, des munitions et des vivres. [Des Grecs.]Constantinople, dans son dernier état de décadence, avait encore plus de cent mille habitans ; mais ce compte est pris sur la liste des captifs, et non sur celle des combattans. C’étaient pour la plupart des ouvriers, des prêtres, des femmes et des hommes dénués de ce courage que les femmes elles-mêmes ont déployé quelquefois pour le salut commun. Je conçois, j’excuserais presque la répugnance des sujets à servir sur une frontière éloignée, pour obéir à la volonté d’un tyran ; mais l’homme qui n’ose pas exposer sa vie pour défendre ses enfans et sa propriété, a perdu dans la société la disposition la plus active et la plus énergique de la nature humaine. D’après un ordre de l’empereur, on avait été dans les différentes rues inscrire ceux des citoyens et même des moines qui se trouvaient propres et disposés à prendre les armes pour la défense du pays. La liste fut remise à Phranza[1], et plein d’étonnement et de douleur, il avertit son maître que la na-

  1. Ego, eldem (Imp.) Tabellas exhibui non absque dolore et mæstitiâ, mansitque apud nos duos aliis occultus numerus. (Phranza, l. III, c. 8.) En lui passant quelques préventions nationales, on ne peut désirer un témoin plus authentique, non-seulement des faits publics, mais des conseils privés.